CBD et conduite de voiture: y a t il un risque ?

La Cour de Justice de l'Union Européenne( CJUE) a jugé le 19 novembre 2020 que la France ne peut s'opposer à la commercialisation du cannabidiol (CBD) produit dans "un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa (chanvre) dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, à moins que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection de la santé publique et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint".

L'objet de cette page n'est pas de faire un commentaire de cette décision mais de voir si elle écarte le risque de poursuites pour les conducteurs qui en consomment. Comme la décision le relève dans son point 34, le CBD n'apparaît pas avoir "d'effets psychoactifs reconnus". Elle relève également "que l’expert désigné dans le cadre de l’enquête pénale qui a donné lieu aux poursuites engagées contre les requérants au principal a conclu qu’il avait un « effet sur le système nerveux central faible ou nul » ». Les effets du CBD n’impactant pas les performances de conduite, le lecteur non avertit  pourrait en déduire que sa consommation ne peut donner lieu à une condamnation pour stupéfiants au volant.

Cependant, ce produit contient, comme le permet la réglementation française et européenne, moins de 0,20 % de tétrahydrocannabinol (THC) . C'est ce dernier point qui peut poser un problème en droit routier. En effet, leTHC est classé dans la liste des produits stupéfiant. La présence de cette molécule dans l'organisme peut donc entraîner une réaction positive aux tests lors d'un contrôle routier. Or , pour la Cour de Cassation, la présence de traces de THC dans des analyses biologiques, aussi basse fut elle, est suffisante pour condamner un conducteur. Ainsi, en matière de droit routier, les consommateurs de CBD risque d'être condamné comme les consommateurs de cannabis.

La question est de voir si l'arrêt de la CJUE peut être invoqué avec succès par les consommateurs de CBD qui feraient l'objet de poursuites devant le Tribunal correctionnel pour stupéfiants au volant.

Pouvez-vous être condamné pour conduite sous stupéfiants après avoir consommé du CBD ?

Il y a deux étapes lors d’un contrôle routier. La phase de dépistage qui se fait avec un test salivaire, puis la phase de vérification qui se fait avec une analyse biologique. Si vous êtes positif au test salivaire, les forces de l’ordre procéderont à la phase de vérification. Pour cela il vous sera prélevé de la salive qui sera mise dans un petit container en plastique. Ce dernier sera ensuite envoyé à un laboratoire pour analyse. N’oubliez pas de demander au moment du prélèvement salivaire une prise de sang.

Les consommateurs de CBD peuvent-ils réagir positivement au test salivaire ?

Le CBD vendu en France contient une très faible quantité de THC. Toute la question est de savoir à partir de quel seuil de THC dans la salive les tests salivaires réagissent.

Un de ceux utilisés par les forces de l'ordre pour le dépistage des stupéfiants est DrugWipe 5S (TM). La notice d'utilisation de ce dernier n'indique pas le seuil de détection. Le site de la société qui commercialise ces tests, en revanche, indique qu'il détecte le delta9-THC (le principe actif du cannabis) à un seuil de 5ng/ml de salive.

Il n'est bien entendu pas possible de déterminer quelle quantité de CBD contenant moins de 0,20 % de THC il est possible d'absorber sans atteindre ce seuil. Il est cependant intéressant de lire l'étude VIGICANN. Pour les besoins de cette expérience scientifique, des consommateurs de cannabis devaient fumer des joints contenant soit des doses faibles de THC (10mg), soit des doses moyennes (30mg de THC), ou un placebo. Après chaque consommation, et à différentes périodes (comprises entre 5 minutes et 24 heures après la consommation) les participants ont fait l'objet de tests salivaires et de tests sanguins.

Cette étude relève que « Des tests sont positifs avec une concentration sanguine de THC<0,1ng/mL chez des occasionnels alors qu’ils peuvent être négatifs avec des concentrations>5ng/mL chez des chroniques. » (Surlignement ajouté). Elle conclut au fait qu’« Aucune différence n’est observée entre fumeurs chroniques et occasionnels dans les conditions normales d’utilisation par la police ou gendarmerie, et ce qu’elle que soit la dose absorbée. Cette durée de positivité est comprise entre 15 minutes et 12 heures en fonction des sujets. Aucune relation ne peut être mise en évidence avec la concentration sanguine. »

On peut donc déduire de cette étude que le simple fait d’absorber du THC, même en quantité minime, crée un risque pour le conducteur d’être contrôlé positif lors du test salivaire.

La consommation de CBD peut-elle vous faire contrôler positivement au cannabis lors de l’analyse de salive ou de sang ?

L’arrêté du 13 décembre 2016 impose que les analyses de liquide biologique, c’est-à-dire de sang ou de salive, doivent pouvoir détecter un taux minimal de 1 nanogramme de 9-tétrahydrocannabinol (THC) par millilitre de salive ou de sang.

Sur ce dernier point, il est important de rappeler que pour la Cour de Cassation le fait qu’il existe des traces de drogues dans l’organisme d’un conducteur, même à des taux inférieurs à ceux prévus par l’arrêté, suffit pour qu’il soit condamné pour stupéfiants au volant. Ainsi si des analyses démontrent l'existence d'un taux de 0,1 ng/ml le conducteur voit sa responsabilité pénale engagée.

En conclusion la consommation de produits à base de CBD, puisqu'ils contiennent une légère proportion de THC, représente un risque d'être positif lors de la phase de vérification et donc d’être condamné.

Comment prouver que vous avez consommé du CBD et non du cannabis ?

Pour tenter cette démonstration, il sera très important de demander, en plus du prélèvement salivaire, une prise de sang. En effet, les comptes rendus des laboratoires se bornent à indiquer quelles drogues sont présentes la salive de conducteurs. Par contre, ils n'indiquent pas leurs taux.

En revanche, dans une analyse de sang, sont indiqués les taux de THC trouvé dans l’organisme du conducteur. Par ailleurs, les analyses sanguines permettent de détecter avec précision d'autres molécules. C’est la raison pour laquelle il faut demander une prise de sang en plus du prélèvement salivaire si vous prenez un traitement médical. Comme cela a été développé sur une autre page du site, seule une analyse de sang peut faire la différence entre un médicament et de la drogue achetée dans la rue.

Or, pour l'herbe ou de la résine de cannabis, la teneur en THC est largement supérieure à celle en CBD. En revanche, pour les produits à base de CBD c'est l'inverse. Leur teneur en CBD est bien supérieure à leur teneur en THC. Ainsi, une analyse sanguine mettant en évidence les quantités en CBD et THC présentes dans l’organisme permettrait de faire la différence entre une consommation de cannabis et une consommation de cannabidiol.

Dans cette hypothèse, le fait qu'il soit établi que le conducteur ait consommé un produit légalement vendu dans le commerce et non de la drogue serait surement un élément pris en compte par le Tribunal si ce dernier décidait de prononcer une sanction.

À supposer que la consommation de CBD ait pu être établie par une analyse de sang, la question demeure de savoir si cela peut vous faire à coup sûr échapper à une condamnation pour stupéfiants au volant. La réponse est loin d'être évidente.

CBD et stupéfiants au volant : quels arguments pour se défendre ?

L’arrêt de la CJUE semble constituer un moyen de défense qui puisse être invoqué dans ce type de dossier. En effet, aux points 75 et 76 de sa décision, la Cour indique « Au vu de ces éléments, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il y a lieu de considérer que, le CBD ne comportant pas de principe psychoactif en l’état actuel des connaissances scientifiques rappelées au point 34 du présent arrêt, il serait contraire au but et à l’esprit général de la convention unique d’inclure celui-ci dans la définition des « stupéfiants », au sens de cette convention, en tant qu’extrait de cannabis. Il s’ensuit que le CBD en cause au principal ne constitue pas un stupéfiant, au sens de la convention unique. ». (Surlignement ajouté)

La Convention unique à laquelle l’arrêt fait référence est la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. En France, les produits stupéfiants sont définis par l’arrêté du 22 février 1990. Or les annexes I et II de cet arrêté correspondent aux tableaux I et IV de la Convention de 1961. Ainsi, s’il est établi par une analyse de sang que vous avez consommé du CBD, il peut être avancé pour votre défense que vous n’avez pas consommé de stupéfiants avant de prendre le volant. Cependant, cet argument n’est pas une défense imparable pour deux raisons.

D’une part, il n'est pas certain que la position de la CJUE quant à l'exclusion du CBD de la liste des produits stupéfiants va s’imposer aux juridictions pénales françaises en ce qui concerne la répression des infractions routières. Sans entrer en profondeur dans les détails juridiques, l'arrêt de la CJUE a vocation à s'appliquer à la libre circulation du CBD dans l'Union Européenne. C'est en effet au regard des dispositions interdisant les restrictions aux importations dans l'Union Européenne que la CJUE avait été saisie par la Cour d'appel d'Aix en Provence. Le procureur de la République pourrait donc argumenter que la question des règles répressives en matière de circulation routière est un autre domaine.

D’autre part, pour la Cour de Cassation, dès lors que du THC est trouvé dans les analyses biologiques, et ce même à un taux inférieur que celui prévu par l’arrêté du 13 décembre 2016, vous risquez une condamnation. Ainsi, le procureur de la République pourrait parfaitement soulever que vous pouvez parfaitement acheter du CBD dans un magasin, le consommer, mais pas conduire après en avoir consommé puisqu'il contient du THC. Le raisonnement serait le même que pour l'alcool qui est vendu dans un magasin. Il ne vous est pas interdit d'en acheter en revanche il vous est interdit de conduire une voiture au-delà d’un certain seuil d’alcoolémie. Or, comme rappelé juste avant, en matière de THC le seul taux que la Cour de Cassation à ce jour accepte est de 0.

Par ailleurs, l’absence d’effets du CBD sur les performances de conduite, est un argument qui ne va pas nécessairement porter. En effet, dans plusieurs dossiers avait été plaidée l'absence de danger que représentait le conducteur en raison des faibles taux de THC retrouvés dans son sang. La Cour de Cassation n’est pas de cette avis (voir arrêt du 3 octobre 2012 (Cass Crim 3 octobre 2012 n°12-82.498). Or, tout le problème du CBD est qu’il contient de faibles traces de THC, qui elles-mêmes suffisent à vous faire condamner.

Contactez un avocat en droit routier

Les stupéfiants au volant sont punis d’une peine de deux ans d’emprisonnement, 4500 euros amende. Les sanctions affectent aussi votre permis de conduire puisque en cas de condamnation vous perdrez automatiquement 6 points sur votre permis. Vous risquez également la suspension voire l’annulation de votre permis.

Si vous avez reçu une convocation au Tribunal pour conduite sous stupéfiants il vaut mieux confier votre défense à un avocat expérimenté en droit routier. Maître TESSIER a plus de 10 ans d'expérience en droit pénal. Il a développé, au fil de sa carrière, un intérêt pour les règles de procédure pénale et de droit pénal appliquées à la défense des automobilistes. Il est membre de l’association des avocats français en droit routier et est titulaire d'un diplôme universitaire en droit routier.

Son cabinet est situé dans le 5éme arrondissement de Paris. Vous pouvez prendre contact par téléphone ou adresser une demande de devis avec le formulaire correspondant. Une réponse vous sera apportée dans les 24 heures. L'analyse approfondie et personnalisée de votre dossier ne peut se faire que dans le cadre d'une consultation. Ces dernières se font uniquement sur rendez-vous.

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