Traitement médical et conduite sous stupéfiants : que risquez-vous ?

La conduite sous l’emprise de substances ou plantes classées comme stupéfiants est un délit puni par le Code de la route. Pour rappel, l’article L 235-1 du Code la Route prévoit comme sanctions risquez jusqu’à deux ans d’emprisonnement, une amende de 4500 euros et la perte de 6 points sur le permis de conduire. Il est également prévu un certain nombre des peines complémentaires comme la suspension ou l’annulation du permis. Pour les conducteurs impliqués dans un accident de la route, les peines sont fonction de la gravité de l'accident pour les victimes. Pour les accidents mortels causés par l'usage de stupéfiants les peines peuvent atteindre 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.

L’objet de cet article est de voir quels risques vous courez en conduisant alors que vous avez un traitement, dont au moins une des spécialités pharmaceutiques figure sur la liste des médicaments classés comme stupéfiants. Il y sera également vu les moyens de défense qui peuvent être soulevés.

Quels sont les médicaments classés comme stupéfiants ?

Certains médicaments sont classés sur la liste des produits stupéfiants. La liste des substances classées comme stupéfiant est détaillée dans l'arrêté du 22 février 1990. Bien que l’année 1990 soit indiquée ne vous y fiez pas, cette liste est régulièrement mise à jour. Le lien vous conduira vers sa version à jour au 1er janvier 2021. Elle est susceptible d’évoluer au cours de chaque année. À ce jour elle comprend elle vise plus de 500 molécules.

Il y figure au côté du cannabis, la méthadone. Pour rappel la méthadone est un traitement de substitution à l’héroïne. Il y figure également l’oxycodone et le fentanyl qui sont de puissants antalgiques. Il y apparaît également la codéine qui, jusqu’en juillet 2017, était un antalgique vendu sans ordonnance. Depuis que cette substance a été inscrite sur la liste, toute personne qui veut s’en faire prescrire doit présenter une ordonnance.

Si vous souhaitez vérifier si le traitement que vous prenez est inscrit sur cette liste, souvenez-vous qu’elle énumère les substances considérées comme produit stupéfiants. Il vous faudra donc vérifier si un de ces produits entre dans la composition du médicament qui vous a été prescrit. Une même substance peut être commercialisée sous différentes appellations. Par exemple la codéine selon le Vidal est aujourd’hui commercialisé sous une dizaine de noms différents.

Médicaments et conduite automobile : que dit la loi ?

C’est là où il existe un paradoxe. Le Code de la Santé publique qui, entre autres, régit les modalités de délivrance des spécialités pharmaceutiques, ne contient aucune interdiction relative à la conduite pour des médicaments pris sur prescription médicale.

L’article 51521-139 du code de la santé publique impose aux fabricants de mettre sur les boîtes de médicaments un avertissement à destination du consommateur. Il prend la forme d’un pictogramme jaune orange ou rouge en fonction du risque lié à la conduite de véhicules. Ces pictogrammes peuvent être apposés sur des boîtes de médicaments prescrits, ou non, sur ordonnance. Ils indiquent les effets des médicaments sur la conduite

Influence des médicaments sur la capacité à conduire

En revanche, le Code de la route fait interdiction de conduire sous l’emprise de l’alcool, de stupéfiant ou en état d’ivresse manifeste. Pour les stupéfiants, il ne distingue pas selon qu’ils aient été prescrits ou non.Cela veut dire qu'à partir du moment où l'analyse de votre salive révéle la présence substances ou plantes classées comme stupéfiants vous risquez une condamnation.

Par ailleurs, le délit de conduite en ivresse manifeste, prévu à l'article L 234-1 du Code de la route, en dépit de son nom n’est pas un texte qui réprime uniquement un état alcoolique particulièrement avancé. Le risque d’être condamné existe à partir du moment où la police ou les gendarmes relèvent dans la fiche A des anomalies dans le comportement du conducteur. Par exemple ils peuvent indiquer « pupilles dilatées, titube, élocution pâteuse ». Ces troubles du comportement peuvent parfaitement avoir pour origine la prise d’un traitement. En résumé, vous risquez une condamnation si le traitement que vous prenez à un effet visible sur votre comportement et donc sur vos capacités de conduite. Ce dernier point s'applique aux traitements qui ne relèvent pas de la liste des substances classées comme stupéfiants.

Contrôle routier : que faire si votre test salivaire est positif à cause d’un médicament ?

Lors d'un contrôle routier la police ou les gendarmes peuvent décider de procéder à un dépistage des stupéfiants. Pour cela ils auront recours à un test salivaire. Les tests salivaires utilisés pour ces dépistages détectent 4 familles de stupéfiants : la cocaïne, le cannabis, les opiacés et les amphétamines.

Si votre test salivaire est positif, votre permis fera l’objet d’une rétention, c’est-à-dire qu’il sera pris par les forces de l’ordre dans l’attente que le Préfet prenne la décision de suspendre votre permis. En matière de stupéfiants la rétention de votre permis peut durer jusqu'à 120 heures.

Puis vous serez auditionné et l’on vous prélèvera ensuite de la salive. Il ne s'agit plus ici de la phase de dépistage des stupéfiants. Votre salive sera envoyée à un laboratoire pour analyse. Il est donc très important que vous indiquiez lors de votre audition que vous prenez un ou plusieurs médicaments classés comme stupéfiants. Il est tout aussi important que vous demandiez que l’analyse de votre salive soit complétée par une prise de sang.

En effet, cette possibilité est prévue à l’article R 235-6 du Code de la route. La prise de sang ne sera faite que si vous la demandez, mais elle ne sera en aucun cas réalisée spontanément par les forces de l’ordre.

En droit routier, demander une prise de sang à deux intérêts. Le premier est de pouvoir être utilisée dans une contre-expertise, c’est-à-dire pour contester les résultats de l’analyse salivaire. Le second est de demander la recherche de médicaments. En effet, le test salivaire, tout comme les analyses de salive ne distingue que 4 familles de stupéfiants. Vous pouvez donc être testé positif aux opioïdes, non parce que vous en avez acheté dans la rue, mais tout simplement parce que vous preniez sur prescription un médicament. Seule une prise de sang peut, par exemple, faire la différence entre de la codéine qui est un opioïde délivré sous prescription et de l’héroïne achetée dans la rue, qui est également un opioïde.

Conduite et médicament classé comme stupéfiant : est-ce que vous risquez une convocation au tribunal ?

La réponse est : cela dépend des circonstances. En réponse à la question d'un parlementaire, le Ministre de la Justice a répondu en 2010 qu’« En cas de contrôle routier, il appartient au procureur de la République, au vu des éléments du dossier, d'apprécier s'il y a lieu de renoncer aux poursuites à l'encontre de l'automobiliste usager de ce produit. Si le conducteur parvient à établir, notamment par le biais de certificats médicaux antérieurs au contrôle, que le médicament n'a aucun effet sur son organisme dans le cadre de la conduite automobile, il est probable qu'aucune poursuite ne sera engagée. En conclusion, la difficulté soulevée ne paraît pas pouvoir être réglée autrement que par une appréciation individualisée de chaque situation. ».

Il faut donc que :

  1. La prise de sang ait établi que les traces de stupéfiants dans votre organisme avaient pour origine un traitement médical ;
  2. Que vous puissiez prouver que les effets des médicaments n'avaient aucun impact sur vos capacités de conduite.

Pour ce dernier point cela soulève le problème qui peut se poser avec les pictogrammes apposés sur les boîtes de médicaments notamment celui qui avertit d’un risque de type 3. En effet, ces boîtes mentionnent précisément qu’il faut l’avis d’un médecin avant de reprendre la conduite.

Par ailleurs, si votre traitement avait un effet apparent sur votre comportement ou vos réactions, la preuve de l’absence d’effets sur votre organisme risque d’être compliquée à rapporter. En effet, comme cela a été rappelé au-dessus, lors d’un contrôle routier les forces de l’Ordre peuvent remplir une fiche de comportement dite « fiche A ». Il y est par exemple mentionné si votre élocution est pâteuse, votre tenue débraillée ou encore si vos yeux sont injectés. Si ce genre d'éléments figurent dans la procédure il existe de sérieuses chances que le procureur de la République engage des poursuites.

Médicament classé comme stupéfiant, est-ce que je risque une suspension de permis ?

C’est après que les forces de l’ordre aient procédé à la rétention de votre permis que le Préfet va décider de suspendre votre permis. À ce jour, en matière de conduite sous stupéfiants il a 120 heures décider de suspendre ou non votre permis.

Il pourra suspendre votre permis pour une durée de 6 mois. Cette durée peut être portée à un an si vous avez été impliqué dans un accident de la route ayant causé un mort alors même que les résultats des analyses de stupéfiant sont revenus positif.

Il est donc, là encore, très important d'avoir demandé la prise de sang après le prélèvement salivaire. En effet, que ce soit dans le cadre d'un recours gracieux ou contentieux, c'est un élément déterminant pour vous permettre de récupérer votre permis de conduire.

Contacter un avocat en droit routier 

Maître Jean-Paul TESSIER est avocat au Barreau de Paris depuis 2008. Avocat pénaliste, il a développé, au fil de sa carrière, un intérêt pour les règles de procédure pénale et de droit pénal appliquées à la défense des automobilistes. Il est membre de l’Association des Avocats Français en Droit Routier et titulaire d'un diplôme universitaire en droit routier. Il intervient sur toutes les questions liées à la perte du permis.

En tant qu'avocat en droit routier il traite régulièrement de dossiers d'alcool au volant de conduite après usage de stupéfiants. Le cabinet d'avocats est situé dans le 5éme arrondissement de Paris. Vous pouvez prendre contact par téléphone ou adresser une demande de devis avec le formulaire correspondant. Une réponse vous sera apportée dans les 24 heures. Une étude personnalisée de votre dossier ne peut se faire que sur rendez-vous.

Réalisation : Xooloop Studio